Conversation avec Fabienne Spahn - Le Monde Sauvage

Conversation avec Fabienne Spahn

 
Vous êtes mordus de déco
mais, une fois votre joli magazine fermé,
comment adapter les préceptes de pros chez vous ?
Place aux personnalités qui nous sont chères et qui ont eu
la gentillesse de partager leur vision de la décoration.
Avec générosité, elles vous livrent leurs choix assumés
et partagent tips et conseils inspirants
.
Aujourdhui la parole à

Fabienne Spahn

 

Fabienne, pouvez-vous vous présenter ?

Je suis une rêveuse, une idéaliste, j’aime l’harmonie, l’équilibre des lieux, des objets et dans ma vie. Je n’ai pas suivi la voie tracée pour devenir décoratrice et mon parcours a été très atypique : communication, courtage en chevaux de course, gestion d’un haras, organisation de salons, stylisme et scénographie d’événements, puis tout naturellement l’envie d’ancrer l’éphémère et de réaliser des décors plus aboutis. J’ai donc fait une formation qui m’a surtout aidée à me légitimer, mais c’est avant tout l’expérience sur le terrain qui m’a formée. Mon premier projet en Grèce fut le Kouros Hotel & Suites à Mykonos, un beau tremplin ! Je collabore toujours avec cet hôtel et je prépare actuellement neuf nouvelles suites et une villa.
 

Votre mantra en déco ?

« Think out of the box ! »
Quand je « bloque » sur un projet, je regarde ma chienne Joy qui dort dans mon bureau, loin de toutes ces préoccupations et je me dis que je ne suis pas en train de sauver des vies, mais juste de faire de la déco. Ça remet les choses en place !
 

Le bon goût, vous en pensez quoi ?

À chacun son bon goût ! Si cela est valable pour son propre intérieur, lorsque vous élaborez un décor d’hôtel, de restaurant ou de spa, vous devez trouver l’équilibre et l’harmonie. Pour moi c’est cela le bon goût : les couleurs qui se répondent, les matières en cohérence, les objets au bon endroit pour que l’ensemble devienne une évidence. Cela n’empêche pas l’insolence car parfois il faut déranger un peu le regard pour créer le charme… Pas une verrue, mais un petit grain de beauté inattendu.
 

Si vous étiez une pièce de la maison ?

La chambre, sans hésitation. C’est le lieu de l’intime et de l’abandon, le cocon où l’on commence et termine sa journée, l’alpha et l’oméga en somme ! C’est un espace auquel je réfléchis beaucoup pour les hôtels et je commence à avoir un certain nombre de chambres à mon actif.

Le top 3 de votre bucket list ?

J’en ai déjà réalisé deux : vivre sur un bateau dans le lagon de Bora Bora et approcher les gorilles de montagne dans la forêt impénétrable de Bwindi en Ouganda. Il me reste à visiter l’Île de Pâques : sans savoir pourquoi, je sens que j’ai un rendez-vous là-bas. Sinon, je veux bien refaire les deux premiers !

Si vous étiez un artiste ?

Question difficile pour moi, j’aime toutes les formes d’expression artistiques : danse, écriture, peinture. Tout cela est un monde unifié à mon sens, celui de l’émotion. S’il faut choisir ce serait peut-être une danseuse, Pina Bausch par exemple, qui a su si bien écrire le geste.

 

 

Votre projet de rêve ?

Je n’imaginais pas avoir la chance de réaliser le projet que je viens d’achever. Redonner vie à un lieu mythique comme l’Olympos Naoussa à Thessalonique est un rêve. Travailler dans un lieu historique est absolument passionnant : au-delà du décor et de l’aménagement, c’est un rendez-vous avec un lieu vibratoire.
J’aimerais élaborer un lieu de vie à mi-chemin entre la résidence de vacances et la retraite spirituelle, un lieu connecté à l’environnement, construit avec les ressources locales où l’on retrouve l’essence des choses et des êtres
et où l’on vit une expérience unique.
 

 
Comme je n’hésite pas à faire des bonds de style et de genre, mon prochain projet est également très excitant et promet une décoration débridée, opulente, voire excessive ! C’est ce que je trouve passionnant dans ce métier et moi qui aime écrire, j’écris à chaque fois une nouvelle histoire.
 

Votre obsession du moment ?

Pas celle du moment, mais de toujours : les coussins et particulièrement ceux en soie du Monde Sauvage. À mon sens, une pièce n’est jamais finie s’il manque les coussins : ils font le lien entre les couleurs, bousculent les ambiances trop lisses et servent même de doudous !

 

 

Les astuces de Fabienne

Comment s’est façonné votre goût ?

Je suis une hypersensible et la nature est une grande source d’inspiration pour moi. Il n’y existe aucune faute de goût : les couleurs, les volumes, tout est toujours parfait. Je me nourris de mes voyages mais aussi du quotidien : les expos, les vitrines, l’habillement des gens dans la rue, les films ou même le tissu des sièges du RER – pour les refaire !! Je m’intéresse aussi à ce que font les autres décorateur/trices ; ce serait mentir que de ne pas avouer que nous nous inspirons les uns les autres. Parfois je peux également me placer à contrepied. Le temps façonne le goût, plus on avance en âge, plus on est libre et plus on ose.

Le projet dont vous êtes la plus fière ?

Le dernier projet réalisé, l’hôtel Olympos Naoussa, est celui qui m’aura demandé le plus de temps et d’énergie. C’était un challenge difficile qui a nécessité beaucoup de recherches : 60 chambres dans un bâtiment classé monument historique, un restaurant mythique, un bar, un lobby, une salle de gym, un jardin, un rooftop, etc. De l’avis général, il est plutôt réussi… alors je suis contente !

 
 

Comment personnaliser la décoration d’un hôtel ?

Pour chacun de mes projets je tiens compte de la spécificité de l’hôtel : le bâti, l’emplacement, la clientèle, la catégorie et surtout je cherche à raconter une histoire, à y mettre de la poésie. Le narratif n’est pas le même à Mykonos ou à Thessalonique. C’est cependant une démarche qui est plus facile dans les boutiques hôtels que dans les grands complexes.
Il faut parvenir à répondre aux besoins spécifiques de la chambre d’hôtel et les réinventer à chaque fois pour ne pas tomber dans le déjà-vu. En général, dans un même hôtel, je réalise des décors différents selon les types de chambre. Je n’oublie jamais la fonction : les espaces doivent fonctionner aussi bien pour les hôtes que pour le personnel.
De la réception en passant par le lobby, le restaurant ou la chambre, quand vous entrez dans un hôtel vous devez être surpris, charmé. C’est une opération séduction qu’il faut réussir au premier coup d’oeil pour conquérir le client. La déco est un élément essentiel au moment de la réservation, c’est aussi un atout commercial.
 

Mission canapé

Dans un hôtel, le canapé est une pièce majeure. C’est un marqueur de confort et de luxe que je combine avec les jolis coussins du Monde Sauvage dont je suis fan. Le canapé ajoute une touche d’intimité, le sentiment d’être
« comme à la maison ». À la différence qu’en hôtellerie, il doit répondre à un cahier des charges précis. Pour l’Olympos Naoussa, j’ai choisi les méridiennes du Monde Sauvage car non seulement elles répondaient aux contraintes, mais elles sont également entièrement déhoussables.
Je n’aime pas les lignes compliquées, leur design correspond complètement à mes préférences. J’ai pu choisir les dossiers, combiner des matières dans des couleurs identiques (le tissu Gary associé au velours Romy) qui donne un résultat très intéressant. Selon l’ambiance des chambres, j’ai utilisé des surmatelas en velours Venezia rose ou lead. Ce tissu au style vintage raconte une histoire, ce qui s’adapte parfaitement dans un projet où le passé est mis en valeur ; il y apporte de la poésie.

Faites entrer la matière !

 

Coussin Goa pompons & tapis douceur Hanoï (suite Kouros Hotel & suite Mykonos)
Vive le velours ! Un tissu sensuel fait pour être touché, caressé… quoi de mieux que le velours ? La soie peut-être ! Je peux associer sans complexe une matière brute à une autre plus sophistiquée : plus il y a de contraste, plus il y a de dialogue entre les matières. Lorsque vous êtes face à un objet, un meuble, un tissu, votre main cherche le contact : la matière, c’est l’émotion du toucher. Tout comme les autres sens, le toucher est avide de découvertes.
J’aime également le métal pour sa lumière et ses nombreuses possibilités, sa ductilité. Aujourd’hui où se posent les questions des ressources naturelles et d’environnement (je fais partie d’un collectif de défense des forêts d’Île-de-France), j’ai le souci de choisir les matières qui préservent la planète. Le monde de l’hôtellerie est très consommateur et je fais en sorte de trouver des voies pour recycler les anciens meubles, les relooker, leur donner une deuxième vie dans l’hôtel ou ailleurs. Je déteste jeter ! Je sais qu’avec LMS nous partageons ces valeurs et c’est important pour moi.
 

Palette colorée

Les couleurs sont un véritable langage, elles traduisent une humeur, une ambiance. Je travaille toutes les palettes, mais en ce moment je privilégie les couleurs douces ou neutres ; je crois que cela correspond au besoin de notre monde actuel. Travaillant en Grèce j’ai longtemps voulu échapper à la tentation du bleu, peine perdue ! C’est un peu la couleur attendue qui s’impose là-bas mais elle offre une multitude de possibilités.
J’utilise le blanc bien sûr, pour que s’y dessinent les ombres. Quant au noir, il me semble toujours indispensable, comme un trait de feutre qui souligne, encadre, met en relief. En application complète, il théâtralise l’espace.
En revanche, la fameuse règle des trois couleurs me hérisse. Je trouve cela absurde : il est plus important de régler le « volume » des couleurs que leur nombre !

Et chez vous, c’est comment ?

Loin des codes et des pages de magazine ! Mes amis
me disent qu’ils se sentent bien chez moi et que mon
intérieur me ressemble : le meilleur compliment que je
puisse recevoir !
Il y a un peu de tout : le velours des rideaux LMS et du
canapé, du noir et du blanc et un tapis plein de couleurs,
mes tables achetées chez Habitat en 1994, des meubles
de famille… J’ai fait un petit relooking l’été dernier
peinture, cheminée, cuisine – et devinez quoi… j’ai
mis du papier peint Le Monde Sauvage dans l’escalier !
Incontournable !

 
Découvrez la shopping list de Fabienne
Consultez l’article de notre journal.

Crédit photos : Heinz Troll