Conversation avec Marion Saude

Conversation avec Marion Saude

Vous êtes mordus de déco mais, une fois votre joli magazine fermé, comment adapter les préceptes de pros chez vous ?

Place aux personnalités qui nous sont chères et qui ont eu la gentillesse de partager leur vision de la décoration. Avec générosité, elles vous livrent leurs choix assumés et partagent tips et conseils inspirants.


Aujourd’hui la parole à

Marion Saude

Marion, pouvez-vous vous présenter ?

Je m’appelle Marion Saude, j’ai 39 ans et partage ma vie et mes projets entre Paris et l’île de Ré. J’ai toujours été manuelle et créative, petite j’aimais construire des cabanes.
Après avoir travaillé au sein de maisons de luxe dans le retail, le visuel merchandising et le marketing, je suis devenue architecte et décoratrice d’intérieur en 2021 suite à une reconversion à l’école Boule. Mon expérience chez Hermès a renforcé mon appétence pour l’artisanat, les couleurs et l’excellence.

Votre mantra en déco ?

LE BEAU, LE BON, LE BIEN FAIT !

Le bon goût, vous en pensez quoi ?

Le bon goût c’est savoir faire des pas de côté, oser et s’amuser.

Si vous étiez une pièce de la maison ?


Sans aucun doute la cuisine. Chez moi, c’est la pièce la plus lumineuse exposée plein sud. Je m’y prélasse au soleil en regardant la végétation par la fenêtre, nous y avons de longues conversations au petit déjeuner le week-end.
Je cuisine beaucoup, c’est un terrain de jeu créatif, gustatif et visuel pour moi depuis toujours. C’est pour cela que j’aime autant concevoir des cuisines dans leurs moindres détails.

Le top 3 de votre bucklet list ?

  • Aller vivre définitivement au bord de l’océan
  • Avoir un atelier et plus de temps pour créer à travers la céramique, la couture, la teinture végétale et bien d’autres projets encore que j’aimerais explorer
  • Avoir un chat !

Si vous étiez un artiste ?

Je serais plasticienne car j’aime créer avec différents médiums. « Diversité, c’est ma devise », comme dirait La Fontaine.

Votre projet de rêve ?


Ouvrir un gîte en rénovant un bâti ancien de façon entièrement écologique et pouvoir y accueillir des retraites de yoga, des ateliers créatifs, des dîners éphémères. Que ce soit un lieu ressource, de rencontre et de partage autour du beau, du bon et du bienfait.


Votre obsession du moment ?


Partir parcourir Saint-Jacques de Compostelle pendant deux semaines seule avec mon sac à dos.

Votre engagement pour demain ?

À travers mon magazine en ligne, Studio Tournesol, je donne la parole à des acteurs engagés dans des démarches écoresponsables et à des artisans talentueux. À mon échelle, je participe à faire connaître et promouvoir les savoir-faire manuels et les matériaux vertueux pour la santé et notre environnement. Au quotidien, il s’agit aussi d’un dialogue avec mes partenaires et clients pour œuvrer à une prise de conscience qui débouche vers des actions concrètes pour plus d’éthique et de durabilité à toutes les étapes d’un projet de rénovation et décoration.

Le monde de Marion

Artisanat, vintage, textile : la recette

Depuis l’enfance, j’arpente les brocantes et les puces à la recherche d’objets qui m’animent. J’aime leur patine, leur singularité et l’histoire qu’ils transmettent. On ne va pas se mentir, j’aime aussi cette quête de la pépite et de la bonne affaire, comme s’il s’agissait d’une chasse au trésor. Je chine aussi beaucoup de vêtements anciens cousus main et de mercerie car je couds moi-même mes vêtements depuis très jeune. C’est certainement de là que vient mon affection profonde pour le textile. En décoration il est souvent lésiné alors qu’il habille nos fenêtres, nos assises, qu’il nous enveloppe la nuit vers des songes apaisants. De par leurs tombés, leurs matières, leurs coloris et leurs motifs, la richesse des tissus est infinie et donne vraiment du caractère et une ambiance unique à un intérieur. Il est aussi très tactile : quoi de plus réconfortant qu’un coussin Gélule en velours de soie à enlacer entre ses bras ou qu’un plaid Aodha en mohair fait main dans lequel se lover avec une lecture captivante ?

Les codes déco so 70’s

Pour le projet Mouchotte*, l’année de construction de l’immeuble en 1966 par l’architecte Jean Dubuisson a été le point d’ancrage du projet. L’ADN du projet a été de valoriser l’histoire du lieu et ses codes très forts tout en lui insufflant des accents actuels répondant au mode de vie des clients. Nous avons joué sur les formes et le mix de matériaux : sol en damier rénové, noyer, chrome, pavés de verre, mobilier chiné pour redonner son lustre à l’appartement familial.
* Projet illustré par les photos de l’article

Fonctionnel & esthétique

Je ne peux pas envisager l’un sans l’autre, la forme et l’enveloppe répondent à une fonction et un usage. Pour moi l’ergonomie d’un espace est essentielle pour s’y sentir bien ; je souhaite que l’on ne soit pas empêché dans ses mouvements. J’aime aussi dessiner des percées visuelles qui déploient une vision esthétique et dévoilent le beau. L’esthétique d’un lieu est comme le vêtement qui habille un corps en bonne santé, souple et joyeux. L’un avec l’autre forment un ensemble harmonieux.

Valoriser l’existant

Qu’un lieu ait plus de cent ans ou seulement vingt ans, on peut y trouver des matériaux et une architecture intéressante. Avoir une démarche écoresponsable, c’est aussi sublimer des éléments existants pour ne pas générer de nouveaux déchets ni utiliser de nouvelles ressources. Aussi, des boiseries ou un sol ancien patiné seront beaucoup plus vibrants qu’un matériau neuf qui sort de l’usine. Cette démarche passe également par le fait d’utiliser des matériaux de réemploi afin de leur donner une nouvelle vie et les sublimer. Ce sont souvent des contraintes que naissent les plus idées les plus créatives.


Plutôt lumineux, dark ou clair obscur ?


La lumière existe seulement par contraste avec l’obscurité ; au jour succède la nuit. Ainsi, une pièce de vie paraîtra d’autant plus lumineuse que l’entrée sera sombre. De même, une pièce peinte dans une tonalité assez dense sera beaucoup enveloppante et accueillante qu’une pièce avec des murs blancs froids qui ne vibrent pas.

Surprendre avec humour

J’aime les clins d’œil, les pas de côté, j’incite mes clients à oser, ce qui n’est pas toujours facile. Cela peut se traduire par le fait de disposer des objets dans des endroits où ils ne sont pas forcément attendus, ou bien oser des matériaux et des objets qu’on pourrait qualifier de kitsch mais qui nous émeuvent et nous font sourire. J’aime l’idée d’insuffler de la joie et de la vie à un intérieur et que ce soit une invitation à l’échange et à des discussions que l’on aime ou que l’on n’aime pas.

Symbolique des couleurs

La couleur c’est la vie, c’est une vibration, le reflet de nos émotions. Les couleurs ont un pouvoir bien au-delà de leur simple statut décoratif, elles influent sur notre bien-être, nos besoins primaires. Avec les matériaux texturés, elles participent à construire un environnement qui impacteront notre état d’être ; cela a été prouvé scientifiquement grâce à la colorimétrie. Je pense qu’il faut sortir de l’opposition blanc versus couleurs vives car la couleur peut faire peur, alors qu’entre les deux il existe une infinie richesse de tonalités plus ou moins fortes qui correspondent à un lieu, ses usages et ses habitants.
D’aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours été attirée par la couleur ; c’est sûrement aussi lié à mon éducation et à ma fascination pour la nature et la richesse de la palette chromatique qu’elle nous offre. Si je devais recommander la lecture d’un livre à ce sujet, ce serait celui de Jean-Gabriel Causse, L’étonnant pouvoir des couleurs. Si nous avons le pouvoir de changer nos paradigmes simplement grâce à un choix judicieux de couleurs, pourquoi s’en passer ?

Écrire la décoration

Avant l’ouverture officielle de Studio Tournesol, j’ai créé un magazine en ligne autour de ma passion pour le beau, le bon et le bienfait avec quatre grandes rubriques :
Des visites d’ateliers d’artisans à travers la France ;

Des interviews d’acteurs engagés dans des démarches écoresponsables et durables ;
Des articles sur les couleurs, leur symbolique, leur pouvoir et leur usage en décoration ;
Des conversations déco, où je m’invite chez des personnes qui ont un intérieur singulier.
J’avais envie de réserver un temps plus long à la lecture et aux reportages photos dans lesquels prendre le temps de se plonger loin de l’usage plus frénétique que peut être Instagram. Car le véritable luxe n’est-il pas de prendre son temps ?

Démarche holistique et écoresponsable


J’inscris mes projets dans une démarche durable par le choix des matériaux, leur provenance, leur durabilité et l’impact qu’ils ont sur notre santé également. Rénover un lieu, choisir avec conscience les divers éléments qui le composeront aura un impact sur l’état mental de ses habitants au quotidien. La dimension holistique implique qu’un projet est pensé dans son ensemble avec des caractères tangibles et d’autres un peu moins, plus de l’ordre du subjectif et de l’émotionnel. La maison est aujourd’hui perçue et vécue comme un refuge, l’enveloppe protectrice du monde extérieur, ainsi il est essentiel d’y apporter le soin que l’on souhaite aussi s’apporter à soi-même.

Vos incontournables

J’aime la singularité des objets faits main et des objets anciens. Plus que les grands noms du design, je préfère l’anonymat d’une matière ou d’une forme et l’émotion qu’ils m’évoquent. Le toucher est primordial pour moi ; rien de tel qu’un quilt Goa by night du Monde Sauvage en velours de soie, incroyablement souple et voluptueux, pour m’enivrer de douceur.